« Transition sous tension » dans l’Allier
En 2028, la multinationale Imerys ambitionne d’ouvrir une mine de lithium sur les hauteurs d’Echassières (04). Pendant un an, l’anthropologue Violeta Ramirez a enquêté sur la réception locale de ce projet. Son 52 minutes retrace la division des riverains.
Pourquoi avoir choisi ce sujet pour votre documentaire ?
Violeta Ramirez : L’idée était d’observer un territoire avant et après l’annonce d’un projet minier, en lien avec la transition énergétique. L’hypothèse de départ était que les personnes valorisent d’autant plus les ressources naturelles (eau, forêt) quand il y a une menace de les exploiter. Le projet EMILI d’Imerys a été le premier projet de ce type à être annoncé publiquement.
En quoi ce projet est-il emblématique des conflits territoriaux liés à la transition énergétique ?
V.R. : Une chose qui revient souvent lorsqu’il s’agit d’installations d’infrastructures énergétiques ou extractives (éolienne ou mine), c’est la dichotomie entre la vision des anciens habitants et celle des nouveaux arrivants. Leurs visions contrastées sont ancrées dans des mémoires et parfois des classes sociales différentes. Les premiers ont une vision du territoire plus productive, ils conçoivent mieux ces activités d’extraction. Les néo-ruraux sont déçus quand ce type de projet vient rompre une vision un peu idyllique d’une nature préservée, qui les avait souvent amenés à s’installer sur ce territoire.
Jusqu’à la fermeture de la mine Montmins en 1962, Echassières vivait de l’exploitation du kaolin. En quoi ce passé minier a façonné les positions ?
V.R. : Aujourd’hui c’est le kaolin, avant le tungstène. Ce gisement multi métallique est au coeur de l’identité du village et de son économie. Les locaux ont eu d’emblée un positionnement à priori favorable parce que ce passé minier est associé à l’âge d’or d’Echassières. Ils ont peur de voir leur village décliner. Les opposants dénoncent une autre échelle d’exploitation et les conséquences désastreuses que cette mine de lithium pourrait avoir sur les ressources naturelles.
Quelles formes prennent les tensions ?
V.R. : C’est plus de l’évitement que de la confrontation directe. La discussion peut apparaître dans des moments un peu informels. Ces gens doivent cohabiter dans un espace géographique réduit. Ils peuvent penser de façon diamétralement différente mais sont assis les uns à côté des autres lors des cérémonies du village, se croisent à la boulangerie, à l’école, dans les commerces. Beaucoup m’ont fait part de leur peur que ce projet divise la population. Les commerçants en souffrent, ils écoutent les préoccupations mais n’osent pas prendre position par peur de perdre des clients.
En quoi le format documentaire peut aider à raconter ce type de conflits territoriaux ?
V.R. : Le documentaire rend l’enquête anthropologique filmique visible et diffusable. Ce format permet de poser la parole, d’accéder au raisonnement complet des pour et des contre, et peut être de mieux comprendre l’origine de leur positionnement. Je passe du temps dans la communauté pour connaître le lieu et créer une situation de confiance avec la population. Cela permet de mieux décrypter la réalité et d’accéder à des points de vue ou des personnes qui ne se montrent pas si facilement.
Où en est le projet EMILI ?
V.R. : Un débat public a été mené entre mars et juillet 2024. Le compte-rendu à été rendu fin septembre. Il y a eu une quinzaine de réunions publiques avec des interventions d’acteurs du territoire (organismes publics, opposants, partisans, syndicats) et du porteur du projet Imerys qui a dû apporter des réponses. Ce débat n’a pas rapproché les deux visions. La mine est prévue pour 2028. Les différentes étapes de la production devraient être testées en usine pilote dans les deux prochaines années.
🎥 Les prochaines dates de projection du documentaire Transition sous tension
📍12 novembre 2024, Nîmes (30)
18h30, cinéma Le Sémaphore
📍16 novembre 2024, Saint Amarin (68)
19h30, Complexe culturel Le Cap, Festival du film engagé Thur & Doller
📍18 novembre 2024, Paris (75)
20h, Cinéma 7 Parnassiens, 14ème arrondissement
📍29 novembre 2024, Montpellier (34)
18h30, Médiathèque Françoise Giroud (Castries), Festival Sud de Sciences
📍3 décembre 2024, Paris (75)
18h, Cédias-Musée social, 7ème arrondissement
📍30 janvier 2025, Lyon (69)
17h, Maison des Sciences de l’Homme, Amphithéâtre Marc Bloch