Décarbonation
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03 février 2025
Stratégie territoriale

Une méthodologie pour décliner la Stratégie Nationale Bas Carbone à l’échelle de son territoire

La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) territorialisée est une méthodologie co-construite par l’ADEME, l’Institut négaWatt et Solagro, avec la collaboration de 13 collectivités volontaires. Outil d’aide à la décision, il permet aux territoires de traduire la SNBC dans leurs documents de planification locaux. Rencontre avec Adrien Jacob, co-concepteur de l’outil.

Quel a été votre rôle dans ce projet ?

Adrien Jacob : Je suis référent outils et méthodes à l’Institut négaWatt. À ce titre, je travaille sur les méthodes de comptabilité énergie climat et sur des outils de modélisation. Dans le cadre de ce projet de territorialisation de la SNBC, je suis intervenu à l’issue de la phase d’étude de faisabilité qui a été pilotée par mes collègues de l’Institut négaWatt et de Solagro. Mon rôle a été de concevoir et réaliser le prototype de l’outil qui est désormais en ligne sur la plateforme Territoires en Transitions de l’ADEME.

Parlez-nous de la genèse de cet outil : à quels besoins répond-il ?

L’outil est né du constat qu’il existe un décalage, voire un manque, entre l’obligation qu’ont les collectivités d’élaborer des documents de stratégie énergie climat qui tiennent compte des échelons supra (SRADDET, SNBC) et les outils mis à leur disposition pour ce faire. Résultat, on se retrouve souvent avec un simple rappel des objectifs de la SNBC dans les PCAET. Pourtant, la cible à atteindre n’est pas du tout la même selon si le territoire est très urbain ou très rural par exemple. Il faut prendre en compte les spécificités de chaque territoire pour traduire la SNBC de façon cohérente. Ce besoin de faire dialoguer les stratégies à différents échelons géographiques est assez complexe, mais absolument nécessaire : c’est dans les territoires que se joue la transition ! Après une phase de benchmark, nous avons constaté que ce type d’outil n’existait pas, en tout cas pas gratuitement, ni sans besoin d’ingénierie. 

Comment fonctionne cet outil, et à qui s’adresse-t-il ?

Adrien Jacob : Cet outil d’aide à la décision s’adresse à toutes les collectivités territoriales supra-communales, principalement des EPCI ou groupements d’EPCI, mais des expérimentations ont été menées avec succès aux échelons départementaux et régionaux. Il a pour but d’aider les territoires à définir et interroger leur contribution à la SNBC, à quantifier les efforts à réaliser, secteur par secteur. De manière schématique, le principe de fonctionnement est le suivant : pour chaque sous-secteur (exemple : le chauffage en maison individuelle est un sous-secteur du “secteur “résidentiel”), on définit un indicateur pivot qui permet de traduire la part que pèse ce sous-secteur au niveau national, dans la SNBC. Pour rendre cela plus concret, on peut réutiliser l’exemple du chauffage en maison individuelle : on prend alors le nombre de maisons individuelles du territoire, cela correspond à X% des maisons individuelles au national. Puis on applique ce pourcentage à la partie “chauffage résidentiel” de la SNBC : on obtient ainsi un objectif cohérent à atteindre pour le chauffage en maison individuelle sur un territoire donné (consommation d’énergie et émissions de GES)*. On a donc là une traduction des objectifs de la SNBC pour une collectivité, CQFD ! L’outil permet de faire l’exercice sur tous les secteurs (résidentiel, transport, agriculture, industrie, tertiaire, etc.).

« La planification, c’est la première étape de la solution. Il existe des outils complémentaires pour se projeter dans la mise en œuvre, comme Destination TEPOS par exemple. »

Adrien JACOB Institut négaWatt

Une collectivité peut-elle s’emparer de l’outil de manière autonome ?

Adrien Jacob : L’outil a été pensé pour être utilisé en autonomie par un·e chargé·e de mission énergie climat d’un territoire peu doté en ingénierie. Deux options sont disponibles depuis la plateforme Territoires en Transitions de l’ADEME, selon les besoins et le temps disponible : soit une interface intégrée à la plateforme (plus ergonomique et simplifiée), soit un fichier Excel à télécharger (plus complet). Dans les deux cas, les données du territoire sont pré-remplies, principalement issues des observatoires régionaux de l’énergie pour les consommations et émissions de GES, ou de l’INSEE pour les données socio-économiques. Le territoire peut alors valider ces données pré-remplies, ou faire des modifications manuellement.

À quel moment est-ce le plus opportun d’utiliser cet outil ?

Adrien Jacob : C’est intéressant de prendre en main l’outil lors de la révision des documents de planification, pour interroger la stratégie en cours et ajuster la trajectoire si besoin. Les collectivités qui ont testé l’outil au cours de son développement nous ont également fait remonter un co-bénéfice imprévu ! Dans la manière dont sont présentés les résultats, l’outil permet de comparer : la courbe de trajectoire de la SNBC territorialisée, la courbe de trajectoire du PCAET ou autre document de planification (si le territoire a déjà rentré ces données-là sur la plateforme Territoires en Transitions) et la courbe des données observées sur le terrain. Cela en fait un bon un outil de suivi de leurs objectifs, qui manquait jusqu’alors à certaines collectivités.

Pour finir, quels conseils ou points de vigilance donneriez-vous à une collectivité qui souhaite construire sa trajectoire de territorialisation de la SNBC ?

Adrien Jacob : Mon conseil n°1, c’est d’envisager cet outil comme une aide à la décision, et surtout pas comme “LA” règle à appliquer. L’outil n’a pas de caractère prescriptif, il s’agit plutôt de donner des points de repère aux territoires pour les aider à définir des objectifs adaptés à leur territoire, et cohérents avec la SNBC. Mon point de vigilance concerne la SNBC justement : le scénario de référence est toujours la SNBC 2, mais elle va très prochainement devenir obsolète… En faisant l’exercice aujourd’hui, il faut anticiper l’objectif 2030 qui va être fortement rehaussé dans la SNBC 3 a priori ! Un territoire peut par ailleurs vouloir aligner sa trajectoire sur un autre scénario national (négaWatt, Ademe…), ce qui est envisageable en mode « expert » (= via le tableau Excel). Pour finir, je ne peux qu’encourager les collectivités à penser à “l’étape d’après” : comment traduire ces trajectoires en actions concrètes sur mon territoire ? La planification, c’est la première étape de la solution. Il existe des outils complémentaires pour se projeter dans la mise en œuvre, comme Destination TEPOS par exemple. 

➡️ Pour en savoir plus : https://www.territoiresentransitions.fr/trajectoire

*  Le calcul réel intègre d’autres données, pour plus de détails sur les choix méthodologiques effectués, un guide méthodologique est disponible sur la plateforme Territoires en Transitions.