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Réseau TEPOS
Stratégie territoriale

La mise en réseau des territoires ruraux : vers un agenda rural européen

À l'approche des élections du 9 juin nous avons rencontré Céline Seince. La coordinatrice européenne de l'association RURENR nous apporte un éclairage sur la position de ce réseau européen des territoires ruraux engagés dans la transition énergétique. Quel regard porte RURENR sur le mandat qui s'achève ? À quels enjeux communs font face les territoires ruraux européens ? Quels défis devront relever les nouveaux eurodéputés en matière de transition énergétique territoriale ? Retour sur cet entretien.

Pouvez-vous nous présenter RURENER et ses missions ?

Céline Seince : RURENER était au départ un projet européen, de 2008 à 2011, d’où son nom acronyme qui lie rural et énergie. L’idée était de réunir des collectivités rurales en Europe qui s’intéressaient aux enjeux énergétiques. À la fin du projet, elles ont voulu continuer les échanges et c’est pour cette raison que l’association homonyme a été créée.

Les projets et programmes se succèdent depuis cette date, mais avec une raison d’être qui a évolué : d’énergie seulement, le thème central est passé au développement rural en général.

Le réseau, qui fédère aujourd’hui 700 communes avec 20 membres actifs (communautés de communes ou équivalent européen) dans 7 pays européens permet le transfert de connaissances et de compétences et de construire de nouvelles formes de coopération.

Par la production de connaissances et d’outils, le rôle de facilitateur de coopération (entre les membres mais aussi territoriale) ou encore le plaidoyer politique, RURENER porte une vision d’une Europe consciente du potentiel de ses territoires ruraux pour mener la transition énergétique et écologique ; l’enjeu étant d’aborder le développement rural dans une approche systémique.

À quels enjeux énergétiques/climatiques font face les territoires ruraux européens ?

CS : Il y a toujours des aspects spécifiques à chaque pays, en fonction des contextes locaux, qu’ils soient politiques ou géographiques. Cependant, on retrouve beaucoup de points communs, et l’un des enjeux importants qui fait l’unanimité, c’est la prise en compte de la complexité des transitions. Les territoires sont des systèmes évolutifs et multi acteurs à la croisée des enjeux (économiques, de gouvernance, climatiques, etc.) : cette complexité des systèmes fait que c’est difficile de les faire évoluer. L’enjeu est partagé par tous les territoires ruraux en Europe et il n’est pas facilité par les cadres européens et nationaux, qui ont du mal à aborder cette complexité.

Un autre enjeu fait consensus partout : celui de la montée en compétence. Pour les acteurs locaux (élus et agents), il est complexe d’être pilote de ces nécessaires transitions quand à la base ils n’ont pas la formation nécessaire pour les appréhender pleinement, et les implanter.

En quoi l’Union Européenne a un rôle à jouer pour répondre à ces enjeux ?

CS : Depuis la précédente période de programmation européenne, un agenda rural européen a été proposé. L’idée est de pouvoir y intégrer et faire transparaître les enjeux de développement rural de façon plus transversale dans les politiques européennes, qui pour beaucoup ne sont pas déclinées à l’échelle rurale.

Ce travail était bien avancé, avec une motion favorable votée à l’automne 2018 (résolution du Parlement Européen le 3 octobre 2018), mais les différentes crises sont passées par là depuis et tout est à réactiver.

La proposition a cependant besoin d’être réactualisée au regard de l’évolution des politiques nationales. Une fois cette mise à jour effectuée, il s’agira de porter le message auprès des nouveaux élus européens après le 9 juin, pour un message partagé et fort des membres du réseau.

Quel regard porte RURENER sur le mandat européen qui s’achève ?

CS : Le bilan opérationnel montre qu’il y a eu des belles promesses avec le “Green Deal” qui mettait les enjeux de transition au cœur de la politique européenne, mais finalement on se rend compte que dans les faits ça n’a pas concrètement été mis en œuvre. Le bilan est donc mitigé. Tout espoir n’est pas perdu envers ce pacte vert, mais il aurait pu être plus structurant, notamment sur les aspects de solidarité urbain-rural qu’on pensait être au centre de cette politique.

Par contre on a entendu parler de transition plus que jamais !

Quels sont les grands enjeux qui devront être relevés par la nouvelle législature européenne ?

CS : Il faut d’abord mettre à plat toutes les politiques qui ont été mises en œuvre : elles sont là mais pas forcément dotées des moyens d’atteindre les objectifs. Soit les enveloppes financières sont insuffisantes, soit elles ne sont pas accessibles.

Pour se donner les moyens d’embarquer les territoires ruraux, il faut changer la façon de faire, il faut les former à manier les programmes européens. Les Français par exemple ont peu l’habitude d’utiliser les fonds européens dans les territoires, cela s’explique en partie par les nombreuses possibilités de financements français moins complexes à gérer.

Il y a un réel enjeu de lisibilité des politiques européennes, même si la taille de l’institution rend cela difficile. Les nouveaux candidats devraient aussi se rendre compte de l’importance des acteurs associatifs comme RURENER ou le CLER qui peuvent accompagner les territoires pour s’emparer des objectifs des politiques européennes.

L’UE s’est dotée d’outils (vision long-terme pour les territoires ruraux européens, Pacte rural, etc.), il faut à présent faire en sorte que ces outils ne restent pas uniquement de belles lignes sur le papier mais se traduisent par des dispositifs concrets pour appuyer les territoires ruraux dans la conduite de leurs transitions.