Co-fondateur et directeur de La Fabrique des Transitions, Jean-François Caron est un fervent défenseur des voyages apprenants. Pour l’ancien maire écologiste de Loos-en-Gohelle, ils constituent un outil efficient pour réussir la transition écologique.

Comment définissez-vous un voyage apprenant ?

Jean-François Caron : C’est un déplacement, une ouverture, un mode d’apprentissage sur les bonnes pratiques. Une délégation motivée vient se nourrir de l’expérience du territoire visité. Cette délégation est souvent constituée des « 4 fantastiques » : élus, techniciens, acteurs de la société civile et figure de l’Etat déconcentré. Il y a une forte notion d’effet de groupe : on peut commenter, partager ses doutes, ses observations.

Comment Loos-en-Gohelle est devenue une destination de tourisme apprenant ?

J-F C : De tout temps, j’ai mené des visites. En 2008, nous avons commencé à structurer ces voyages apprenants. De nombreux technocrates de l’Europe voulaient voir la transformation du site minier 11-19. Des parcours documentés avec des QR codes sont organisés avec l’Office du tourisme et le Centre ressource du développement durable. La ville propose aussi une visite de terrain avec présentation détaillée de sa stratégie. À chaque fois, c’est du sur-mesure en fonction de requêtes du public (implication des habitants, bâtiments durables, patrimoine minier…).

En quoi cet outil peut faire avancer la transition énergétique ?

J-F C : Les voyages apprenants constituent une reconnaissance, une occasion de faire rayonner ses projets, rencontrer des acteurs de terrain et partager entre pairs. Un jour, un élu m’a interrogé sur la réaction du curé face à l’installation des panneaux solaires sur le toit de l’église de Loos-en-Gohelle. Voici une question légitime qui ne se ne pose pas forcément dans un schéma de pensée technique. Cette anecdote incarne bien le voyage apprenant. Pour que cela fonctionne, il faut que le territoire d’accueil dégage du temps, ait des choses à montrer, des résultats et couche sur le papier son expérience pour la raconter. La transition est affaire de conduite de changement qui va nécessiter des transformations individuelles. Pour la faciliter, il faut s’inscrire dans ces dynamiques collectives.

Existent-ils des modèles à suivre au niveau européen ?

J-F C : Le Volrarlberg en Autriche est une référence pour l’énergie, Kalunberg (Danemark) sur l’écologie industrielle. Les situations diffèrent selon les territoires, mais la clé de la réussite, c’est de concevoir un produit de visite standard et d’être en capacité de répondre aux demandes spécifiques. Le modèle économique reste à construire. C’est l’une des réflexions du chantier « voyages apprenants » initié avec le CLER-Réseau pour la transition énergétique.

Qu’attendez-vous de ce chantier ?

J-F C : D’abord, définir les produits de manière plus fine, du basique au plus pointu. Ensuite, identifier les pré-requis nécessaires dans les territoires : résultats, méthodologie utilisée et personnes mobilisées pour porter ce voyage apprenant. Il faut aussi penser la mallette pédagogique.

Quelle est votre vision du voyage apprenant idéal ?

J-F C : Mon rêve, c’est un réseau d’une vingtaine de territoires inspirants – de montagne, très urbains et très ruraux – à travers l’Europe. Plus on collera à la diversité des attentes, mieux cela fonctionnera. Quelles sont les politiques publiques de changement d’imaginaire pour faire transition ? Quand les gens découvrent le land art sur nos terrils, ils sont interloqués. Cela change leur propre regard sur ce qu’ils s’autorisent. Une chose observée devient possible.

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